Rencontre avec le Professeur Martin Collet : l’actualité du droit fiscal sur le plan national et international
Martin Collet est Professeur de droit à l’Université Paris II Panthéon-Assas, spécialisé en droit fiscal. Ancien élève de Sciences Po, il a accepté de rencontrer la Revue des Juristes de Sciences Po pour évoquer l’actualité du droit fiscal, à l’échelle nationale et internationale.
L’actualité du droit fiscal national
Comment le droit fiscal parvient-il à garder son unité et sa clarté dans un contexte de foisonnement incessant des règles conjugué à leur complexification ? L’intervention du Conseil constitutionnel est-elle à vos yeux salvatrice en ce domaine ?
Les années récentes ont mis en évidence le rôle essentiel que pouvait avoir le Conseil constitutionnel dans la sauvegarde de certains grands principes constitutionnels français, aux côtés du Conseil d’Etat et de la Cour de cassation. À cet égard, la mise en œuvre du principe d’égalité devant l’impôt, qui repose aujourd’hui sur le texte même de la Déclaration de 1789, a conduit le juge constitutionnel à développer une jurisprudence toujours plus sophistiquée mais, pour une bonne part, très en phase avec les principes révolutionnaires. On peut penser notamment aux lourdes exigences de justification des dispositifs dits dérogatoires – les niches fiscales, en clair – qui pèsent sur le gouvernement et lui imposent une sorte d’obligation de sincérité et de transparence sur le sens de sa politique fiscale. Le principe révolutionnaire du consentement à l’impôt, qui implique que les représentants du peuple puissent consentir en toute connaissance de cause au prélèvement fiscal, ne peut qu’en sortir renforcé. De même, on peut penser au principe de la garantie des droits, inscrit à l’article 16 de la Déclaration, qui a permis au Conseil d’annuler des dispositions issues d’amendements parlementaires qui auraient pu conduire à faire peser sur notre système fiscal des risques de dévoiement. L’exemple de l’abus de droit apparaît ici particulièrement illustrant : dans une décision saluée par la communauté des fiscalistes, les juges constitutionnels, saisis d’une disposition renouvelant de manière très extensive la définition de l’abus de droit fiscal, ont ainsi souligné « qu’une telle modification de la définition de l’acte constitutif d’un abus de droit a pour effet de conférer une importante marge d’appréciation à l’administration fiscale » qui malmène à l’excès l’exigence de sécurité juridique [1].
A côté de ce rôle très positif, certains ont pu s’étonner d’innovations jurisprudentielles qui sont sorties du cadre et des principes jusqu’alors admis en droit constitutionnel fiscal, s’agissant notamment des limites de la compétence du Parlement pour fixer les taux d’imposition qui lui paraissent justes pour telle ou telle catégorie de contribuables. A ce titre, en venant fixer, dans une décision très remarquée [2], une limite chiffrée au niveau d’imposition de certains contribuables – en l’espèce les particuliers au titre de l’impôt sur le revenu – il s’est engagé dans la consécration d’un principe général de plafonnement des impositions. Au-delà des considérations techniques rendant la décision critiquable en l’espèce (je pense notamment à la fixation d’une limite concernant le « taux marginal » d’imposition, plutôt que le « taux moyen » qui est pourtant un indicateur beaucoup plus fiable des capacités contributives), il convient de s’interroger, au vu de ce bouleversement du mode de contrôle de la loi fiscale par le juge constitutionnel, sur la liberté politique dont dispose le Parlement et sur les possibles atteintes que ce dernier pourrait encore essuyer à l’avenir. Ces restrictions jurisprudentielles aux marges de manœuvre fiscales du gouvernement et du Parlement sont-elles vraiment le signe d’une démocratie en bonne santé ?
La fiscalité du numérique a fait l’objet de nombreux travaux et débats au Parlement, en particulier au cours du dernier quinquennat avec ce qu’on a appelé les taxes Google et Youtube. Ces outils sont-ils à même de permettre de mieux taxer les revenus issus de cette nouvelle économie en France ? Plus spécifiquement, s’agissant de la taxe Youtube, réinventons-nous l’exception culturelle à la française à l’heure du numérique ?
Le Rapport Collin et Colin relatif à la fiscalité du numérique avait dès 2013 mis en évidence les limites de tels dispositifs fiscaux : alors que l’objectif généralement affiché par le législateur est de frapper les bénéfices des sociétés prestataires de services électroniques, ces nouvelles impositions prennent techniquement la forme de taxes à la consommation. Elles voient donc leur charge répercutée sur le client et, sauf exception, ne rognent pas sur les marges des prestataires de services.. Au-delà, les parlementaires semblent parfois oublier une évidence économique : les entreprises répercutent le plus souvent l’essentiel des alourdissements de taxes qu’elles subissent en premier lieu sur le consommateur, et seulement par défaut sur leurs actionnaires … voire sur leurs salariés..
S’agissant plus particulièrement du secteur numérique culturel, il s’agit de savoir s’il est pertinent de faire payer uniquement les consommateurs de ces produits culturels – à travers une taxe – pour financer plus globalement l’exception culturelle. N’est-il pas plus légitime de faire peser sur l’ensemble des contribuables le poids des aides accordées au secteur culturel ? Répondre à cette question suppose de conduire un arbitrage politique lourd de sens quant à l’action culturelle de l’État.
Plus largement donc, comment la fiscalité peut elle s’adapter pour saisir au mieux de nouveaux enjeux comme l’économie du numérique et les difficultés qu’elle apporte en termes de localisation de la valeur ?
L’économie numérique et les nouveaux modes de consommation que l’Internet permet nous amènent en effet à repenser en profondeur la question de la localisation de la valeur et, au-delà, à envisager une question extrêmement profonde philosophiquement, celle de savoir ce qui fait aujourd’hui la valeur d’un produit ou d’un service. Elle suscite d’intenses réflexions partout dans le monde, notamment sous l’égide de L’OCDE qui propose aux Etats des pistes pour repenser ces problématiques. Un facteur de complexité évident réside dans le caractère éminemment politique de ces questions : s’il est éventuellement possible de trouver une conception de la valeur qui permette de localiser différemment la création de valeur – à l’image de la notion de « travail gratuit », présentée dans le rapport Collin et Colin déjà cité, qui propose de valoriser la fourniture gratuite par les internautes de données personnelles qu’exploitent ensuite, pour leur plus grand profit, les entreprises du numérique – le problème tient au fait que les Etats n’ont pas les mêmes intérêts en la matière, chacun souhaitant – légitimement – préserver ses entreprises et localiser un maximum de valeur imposable sur son sol. La Chine (et sa main d’œuvre) ou les Etats-Unis (et leur capacité à capacité à développer des brevets) n’ont pas le même intérêt politique, économique ou fiscal dans ce domaine. Ils promeuvent donc une définition de la valeur imposable volontiers différente…
C’est aussi une question de politique fiscale en tant que telle : la pertinence de taxer lourdement les bénéfices des entreprises peut être remise en question aujourd’hui. Le dernier rapport du Conseil des Prélèvements Obligatoires rappelle en ce sens une évidence économique : les entreprises ne paient jamais elles-mêmes les impositions dont elles sont techniquement redevables, elles répercutent ces charges sur leurs actionnaires, leurs clients ou leurs employés. Il n’y a donc pas d’évidence économique à vouloir prélever l’impôt auprès des sociétés quand on peut tout aussi bien prélever une partie des mêmes flux de valeurs auprès de ceux qui les reçoivent en dernier lieu – qu’il s’agisse des actionnaires, des employés ou même des clients à travers l’éventuelle baisse des prix que permet une baisse des charges pesant sur le producteur. Et pourtant, aujourd’hui, l’ensemble des pays du monde imposent directement les bénéfices, en premier lieu car cela permet de taxer à la source des flux qui peuvent être distribués à l’étranger et apparaître alors plus difficilement taxables. Il y a une utilité économique qui ne fait pas pour autant de la taxation sur les bénéfices une évidence, et les bouleversements liés à l’économie du numérique en sont certainement l’une des démonstrations. J’ajoute que certaines des propositions de réforme fiscale avancées par Donald Trump (en partie inspirées de projets façonnés par l’administration Obama) ont au moins le mérite de mettre en lumière cette question d’une éventuelle substitution de taxes à la consommation ou à l’importation en lieu et place d’une traditionnelle taxation des bénéfices.
L’actualité du droit fiscal au niveau européen
La concurrence fiscale entre les États membres de l’UE est souvent présentée comme une faille dans la construction de l’UE et dans la perspective de faire converger les systèmes. La règle de l’unanimité du Conseil, où siègent les 28, qui fait foi en matière de fiscalité – assortie de la consultation du Parlement et du Comité économique et social – limite les possibilités de négociations. La politique volontariste menée par le juge européen en matière fiscale doit-elle être selon vous saluée ou dénoncée comme une nouvelle manifestation d’une domination du droit sur la politique ?
En matière fiscale comme dans d’autres domaines, la CJCE (devenue CJUE) a eu dès l’origine un rôle essentiel dans la construction du droit communautaire, et ce bien au-delà de ce que les Etats et leurs représentants avaient souhaité ou espéré. Or, l’ensemble des Etats restent aujourd’hui très attachés à leur souveraineté fiscale, pour des raisons politiques évidentes : le droit fiscal des entreprises et des personnes reste l’un des rares leviers d’action politique efficaces dont disposent encore les Etats. Les gouvernements peuvent agir puissamment sur le réel en accordant des avantages fiscaux ou, à l’inverse, en taxant davantage certains contribuables ou certains comportements. Il me semble ainsi légitime que les Etats souhaitent conserver des marges de manœuvre importantes en cette matière et qu’ils redoutent une harmonisation qui pourrait évidemment ne pas aller dans le sens de leurs objectifs de politique publique. Finalement, si le rôle proactif du juge européen reste cohérent avec l’esprit des traités et des Pères fondateurs, il va vraisemblablement buter sur une résistance politique forte des Etats, s’il prend une dimension encore plus politique et volontariste qu’aujourd’hui.
Il est d’ailleurs amusant de noter que, sur ce sujet, le discours politique français – à droite comme à gauche – tend très souvent à promouvoir l’harmonisation fiscale. Seulement, si cette harmonisation devait se faire, ce ne serait certainement pas sur les bases des règles françaises . Je doute en effet que la plupart des pays européens admettent de se caler sur le système français tant celui-ci, en termes notamment de niveau d’imposition, reste singulier. .Dire cela ne revient pas à contester notre système : il s’agit simplement d’admettre que les Irlandais, par exemple, peuvent démocratiquement considérer que taxer moins les entreprises, quitte à financer moins de services publics, peut être une solution pour apporter plus d’activité économique et peut-être même un bien être supérieur à la population irlandaise. Une même remarque peut être faite s’agissant des pays baltes qui pratiquent eux aussi une imposition faible des entreprises. Faut-il forcément considérer qu’ils sont l’erreur ? Un peu de modestie s’impose : le modèle français n’est pas forcément transposable partout dans le monde..Si la France a inventé la TVA dans les années 1950 et l’a exportée partout dans le monde, rien ne dit qu’elle ait le même succès avec son niveau d’imposition des entreprises ! Quant à la question plus générale de la concurrence fiscale entre États européens, il faut là aussi savoir raison garder. D’une part, il est compréhensible que certains petits États jouent cette carte tant ils ne disposent guère d’autres atouts pour attirer les activités économiques sur leurs sols. D’autre part, la France n’est pas forcément la dernière à s’engouffrer dans cette bataille, comme l’illustre le régime des « impatriés » (qui vise à encourager le détachement en France de dirigeants d’entreprises étrangères) ou, de manière plus anecdotiques mais aussi plus choquante, le traitement fiscal ultra privilégié accordé à l’UEFA en 2016 [3]. L’absence de contestation de cet énorme cadeau fiscal, du côté des parlementaires comme du Conseil constitutionnel qui aurait pu se saisir de la question, me fait penser que la France peut elle aussi considérer qu’il est parfois d’intérêt général d’accorder à un agent économique particulier un traitement fiscal hautement dérogatoire au regard de l’activité particulière qu’il pourrait générer…
La Commission européenne, sous l’égide, de la Commissaire européenne à la concurrence Margrethe Vestager, semble mener une politique particulièrement active en matière de lutte contre l’évasion fiscale par le truchement du droit de la concurrence européen et plus particulièrement par le jeu des articles 107 et 108 du TFUE relatifs aux aides d’Etat. Cette politique, visant notamment à contrer les tax rulings vous semble-t-elle pertinente et sinon quelles sont ses limites ?
Il y a, du point de vue de la culture français et de notre conception de l’égalité, quelque chose de satisfaisant à voir la manière dont la Commission s’attaque à certaines situations de sous-taxation notoires qui peuvent sembler inéquitables compte tenu des revenus des entreprises concernées et de ce que payent, dans les mêmes Etats, des entreprises comparables mais plus petites. Ainsi, ce truchement par le droit de la concurrence pour estimer qu’il y a une atteinte potentielle à l’égalité des armes entre ces entreprises pour en définitive remettre en cause leur mode de taxation semble s’accorder avec les valeurs que, je crois, la plupart des français partagent.
Au delà, cette politique peut avoir un grand intérêt, celui de conduire l’ensemble des Etats de l’Union européenne à réfléchir ensemble sur ce qu’ils estiment relever d’une concurrence fiscale admissible ou d’une concurrence fiscale généralement qualifiée par l’OCDE de « dommageable », c’est-à-dire qui nuit globalement à l’intérêt des Etats. Les tax rulings en sont symptomatiques : en la matière il n’est pas si évident que le coût global en termes de sous-imposition soit toujours compensé par les bénéfices économiques qu’ils génèrent, ne serait ce que pour un seul Etat. Attirer l’attention sur ces régimes spécifiques qui peuvent s’avérer dommageable à l’économie de la zone concernée apparaît ainsi comme positif. Sur un terrain proche, l’OCDE est récemment parvenue à convaincre la plupart des Etats du monde de prendre gare à l’articulation de leurs conventions fiscales bilatérales dont les failles ont conduit de nombreuses entreprises multinationales à faire des économies d’impôts considérables au détriment de tous les Etats, c’est ce qu’on appelle les dispositifs hybrides.
La mise en évidence de ces pratiques globalement dommageables par la Commission européenne peut ainsi en définitive conduire à une prise de conscience et à un accord diplomatique assez général sur le but de combattre cette forme d’évasion fiscale.
L’actualité du droit fiscal international
Le projet BEPS apparaît particulièrement ambitieux en vue de cette rénovation de la fiscalité des entreprises transnationales. L’OCDE devient-elle aujourd’hui un acteur de régulation fiscale incontournable ?
Si elle ne dispose de pouvoir réglementaire, l’OCDE s’est en en effet imposée comme un acteur essentiel en matière fiscale par sa capacité croissante à convaincre les États d’adopter certaines « bonnes pratiques », grâce à l’appui politique du G20. Le projet BEPS est l’un des volets de son action, parallèlement à celui, plus connu, relatif la lutte pour la transparence fiscale. Les 15 actions qui le compose constituent une boîte à outil extrêmement sophistiquée et stimulante intellectuellement qui s’inscrit dans un contexte de plus grande propension des Etats à s’émouvoir de pratiques d’évasion fiscale permises par des mécanismes – parfaitement légaux pour la plupart d’entre eux – qui permettent de localiser artificiellement des bénéfices afin qu’ils soient moins imposés.
En revanche, s’il est difficile de nier la qualité de la boite à outils, sa capacité à convaincre les Etats de l’adopter, en son intégralité, reste plus restreinte. En effet, de nombreux Etats, puissants qui plus est, ne sont pas réellement satisfaits de la logique qui anime la plupart des actions de BEPS et, surtout, des effets que son application produirait tant sur la base taxable que sur la productivité de leurs entreprises. Les Etats Unis, par exemple, n’y ont jamais été favorables.
Ainsi, BEPS doit faire face à de nombreuses velléités politiques d’étouffement et à de multiples réticences qui, si elles ne sonnent pas encore le glas du projet, assombrissent considérablement ses potentialités futures.
Vous évoquiez la transparence fiscale comme un second levier d’action pour l’OCDE. En ce sens, dans une décision du 8 décembre 2016, le Conseil Constitutionnel est venu censurer l’article 137 de la loi Sapin II, tendant à instaurer un reporting public fiscal pays par pays [4] (CBCR), au visa de la liberté d’entreprendre. Comment interpréter cette décision face à la volonté de transparence fiscale ?
Ces dernières années, la lutte contre les secrets bancaire, fiduciaire et par voie de conséquence fiscal, a connu une avancée considérable. Le rôle de l’OCDE en la matière est loin d’être négligeable : les outils juridiques qu’elle a mis en place et que les Etats mettent actuellement en vigueur sont un véritable succès. Mais ce succès est aussi celui des Etats-Unis dont la loi puis les accords FATCA (Foreign Account Tax Compliance Act) sont à l’origine des dispositifs actuels. Ce dispositif, initialement très critiqué car perçu comme une nouvelle manifestation de l’impérialisme américain, a en effet imposé aux banques du monde entier de communiquer des informations sur leurs clients américains en se comportant comme des auxiliaires de l’administration américaine. Ses effets en font en définitive une réussite notable, notamment à l’égard de la Suisse, si bien que depuis aucun obstacle ne semble se dresser face à la poursuite de cette dynamique vertueuse.
Plus précisément, la problématique du reporting public pays par pays interroge sur le point de savoir s’il est légitime ou nécessaire que le public dispose d’informations financières sur les entreprises. Les difficultés liées à la taxation des bénéfices des grandes entreprises visées par de tels dispositifs, souvent localisés – de manière légale – dans des Etats à la fiscalité particulièrement favorable justifient certainement la promotion d’une action « réputationnelle » de la part de certaines associations ou ONG.
Néanmoins, outre le constat d’échec auquel elles renvoient (en suggérant que le seul reporting auprès des administrations fiscales ne suffirait pas), ces démarches sont contestables à deux égards. Le premier, souligné par le Conseil Constitutionnel dans sa décision du 8 décembre 2016, se rapporte à la question de la concurrence et au handicap qu’une telle communication, en l’absence de réciprocité, pourrait causer. En effet le Conseil Constitutionnel a relevé à juste titre qu’une telle obligation de divulgation pour les entreprises serait “ de nature à permettre à l’ensemble des opérateurs qui interviennent sur les marchés où s’exercent ces activités, et en particulier à leurs concurrents, d’identifier des éléments essentiels de leur stratégie industrielle et commerciale.” Une telle mesure étant perçue comme une contrainte disproportionnée, eu égard à l’objectif poursuivi, à la liberté d’entreprendre.
A cet argument économiquement pertinent s’ajoute un argument plus politique : est-il effectivement plus légitime de s’en remettre au public pour contrôler et apprécier la façon dont les grandes entreprises localisent leur valeur ajoutée, plutôt qu’à la vigilance des administrations fiscales elles-mêmes ? Le résultat en termes de sécurité et d’efficacité juridique ne serait peut-être pas celui attendu. La représentativité et l’objectivité de certaines associations ou ONG pouvant être, à certains égards, remises en cause : le choix qu’elles pourront faire d’analyser ce que fait une entreprise plutôt qu’une autre ne répondra pas forcément à des considérations d’intérêt général. Le soupçon qu’on peut légitimement nourrir à l’égard des pratiques de certaines grandes entreprises ne doit pas forcément se muer en défiance à l’égard des administrations fiscales qui, je le rappelle, ont généralement le mérite de voir leur action encadrée par le droit et soumise à un contrôle démocratique.
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[1] Voir la décision n° 2013-685 DC du 29 décembre 2013 portant sur l’article 100 du PLF2014 prévoyant qu’au premier alinéa de l’article L. 64 du LPF, les mots : « n’ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui » seraient remplacés par les mots : « ont pour motif principal ». Le « motif principalement fiscal » et par là l’article 100 du PLF2014 ont été jugés par les sages contraires à la Constitution, en particulier compte tenu des conséquences fiscales (Amendes, pénalités, intérêts de retard) attachées à la procédure de l’abus de droit fiscal.
[2] Voir la décision du 29 décembre 2012, Loi de finances pour 2013
[4] l’obligation faite aux multinationales réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 750 millions d’euros de publier des informations détaillées sur les impôts dont elles s’acquittent dans les pays où elles exercent leurs activités