Lutte contre la corruption en chiffres: la nouvelle agence
La Revue des Juristes de Sciences Po vous propose de découvrir Les Cahiers Lysias, publication annuelle du cabinet Lysias Partners. Dans le cadre de ce partenariat, découvrez les enjeux de la loi Sapin II à la lumière de la pratique et les éclairages des avocats et des universitaires membres du cabinet.
Dans cet article illustré, les chiffres de la lutte anticorruption éclairent le tableau comparatif des évolutions législatives.
****
La lutte contre la corruption en chiffres
Dans le monde


En France
*****
La nouvelle Agence Française Anticorruption
–
Tableau comparatif
Depuis 2003, les organisations internationales n’ont cessé d’inviter la France à élaborer une politique de lutte contre la corruption plus efficace. De même, le Service Central de Prévention de la Corruption (« SCPC ») a régulièrement appelé le législateur à renforcer ses pouvoirs.
La loi du 9 décembre 2016 répond à ces critiques en remplaçant le SCPC, créé en 1993, par l’Agence française anticorruption (« AFA »). Désormais l’AFA dispose de pouvoirs accrus pour prévenir et détecter les faits de corruption. S’il est regrettable que l’AFA ne soit pas dotée de la personnalité juridique d’une Autorité Administrative Indépendante (« AAI »), la loi Sapin II lui confère toutefois un pouvoir de sanction louable. A cet égard, comparer les deux entités à travers un tableau offre les outils pour être prêt à décrypter les premiers pas de l’AFA et ainsi mesurer l’efficacité de la lutte contre la corruption.
SERVICE CENTRAL DE PREVENTION DE LA CORRUPTION | AGENCE FRANCAISE ANTICORRUPTION | |||
Dispositions législatives et règlementaires | Commentaires | Dispositions législatives et règlementaires | Commentaires | |
Loi | Loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 | 1er juin 1993 : mise en œuvre | Loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 | 17 mars 2017 : nomination du directeur de l’Agence
23 mars 2017 : Inauguration par le président Hollande |
Nature | Service central interministériel | Service à compétence nationale | La nature de cette structure est critiquable : (i) le statut de « service à compétence nationale » est peu connu et mal défini, et surtout, (ii) il ne confère pas la personnalité juridique, l’AFA ne dispose donc pas d’une indépendance pleine et entière | |
Source et objet de la création de ces services | Création préconisée par la Commission de prévention de la corruption présidée par M. Bouchery dans un rapport remis en décembre 1992 au premier ministre | L’exposé des motifs de la loi précise que la création du SCPC a pour objet une meilleure détection des faits de corruption impliquant une exploitation systématique des renseignements centralisés, en vue d’accroître l’efficacité de la lutte contre la corruption | Multiplication des textes internationaux invitant l’Etat français à élaborer une politique de lutte contre la corruption plus efficace. Depuis 2010, le SCPC a abordé régulièrement la question d’une réforme de la loi l’ayant créé afin de renforcer ses pouvoirs de prévention et de lutte contre la corruption | La loi 9 décembre 2016 s’inscrit dans la continuité des réformes amorcées en 2013 sur la transparence de la vie publique |
Tutelle | Placé sous la tutelle du ministre de la Justice | Placé sous la double tutelle du ministre de la Justice et du ministre chargé du Budget | A la différence d’une AAI, l’AFA ne dispose pas d’une indépendance organique puisqu’elle est soumise à une tutelle ministérielle
Certains éléments lui confèrent toutefois une indépendance fonctionnelle :
|
|
Budget | Non communiqué | Budget établi par les services administratifs du ministère de la justice | Entre 10 et 15 millions d’euros | L’attribution d’un budget déterminé et public renforce l’indépendance de l’AFA |
Direction | Un Haut magistrat | Bernard Challe est nommé premier chef du SCPC le 22 février 1993 | Un magistrat hors hiérarchie de l’ordre judiciaire nommé par décret du Président de la République | Charles Duchaine, réputé pour son expérience et sa probité selon les auteurs, est nommé à la tête de l’AFA le 17 mars 2017 |
Organisation | 9 membres en 1994
5 membres en 2010 10 membres en 2014 16 membres en 2016 parmi lesquels 12 équivalents temps plein (dont un chef de service et un secrétaire général) et quatre fonctionnaires mis à disposition |
La taille réduite du SCPC traduit la volonté du législateur « d’en faire une cellule d’experts hautement spécialisés » | Entre 60 et 70 membres, répartis comme suit :
|
Trois constats :
|
Durée des mandats | Nomination pour quatre ans renouvelable | Variable (Directeur: six ans ; Membre de la commission des sanctions: cinq ans ; Membre du conseil stratégique: trois ans) | ||
Protection des agents | Aucune | Le fait de prendre des mesures pour entraver l’action des agents est puni de 30 000 euros d’amende | ||
Pouvoirs |
|
Dans l’esprit du législateur, le SCPC devait être un organisme de renseignement, d’enquête et d’expertise, au service des autorités judiciaires et administratives
Pour accomplir sa mission le législateur avait prévu dans un article 5 que le service pourrait conduire des enquêtes avec droit de communication de pièces et droit d’audition Or, cet article a été déclaré contraire à la constitution par le Conseil constitutionnel (Décision n° 92-316, 20 janvier 1993), ce que le SCPC a regretté |
|
L’extension et le renforcement des pouvoirs de ce service sont louables, toutefois, plusieurs problématiques sont d’ores et déjà perceptibles :
|
Sanctions | Aucune | La Commission des sanctions peut prononcer une sanction allant jusqu’à 200 000 euros pour les personnes physiques et un million d’euros pour les personnes morales. | ||
Prescription | Aucune | Trois années révolues à compter du jour où le manquement a été constaté | Le point de départ de l’action de l’AFA retarde la prescription qui court à compter du constat du manquement, et non au jour de la commission de l’infraction, ce qui étend le temps de lutte contre la corruption |
****
Cet article est disponible en anglais ici // English version available here
****
Cet article vous est présenté dans le cadre d’un partenariat de la Revue des Juristes de Sciences Po avec le cabinet Lysias Partners.
Le cabinet d’avocats Lysias Partners a été fondé en 2002 par Maître Jean-Pierre Mignard. Il regroupe des avocats qui exercent à la fois une activité de conseil et de contentieux, et des universitaires, maîtres de conférences et professeurs des universités, qui occupent la fonction de consultants. Le cabinet Lysias Partners travaille sur des problématiques prospectives dont la régulation est encore naissante : justice négociée, transition énergétique, données personnelles et numérique,…
Les membres du cabinet se confrontent donc régulièrement aux évolutions juridiques, politiques, économiques et philosophiques contemporaines. Les Cahiers Lysias participent de cette réflexion globale.