Quand la GPA rend fous… les juges ou les cas topiques de la transcription de l’acte de naissance de l’enfant conçu par GPA et de l’adoption de l’enfant du conjoint

Par Caroline Mecary, avocate aux barreaux de Paris et du Québec [1]

La GPA rend fou, elle rend fous les juges. Ce titre est provocateur. Il a pour objet de souligner combien les magistrats sont mal à l’aise avec la gestation pour autrui (GPA) dès qu’elle commence à pointer son nez lors d’une demande de droit des justiciables. La GPA vient en quelque sorte heurter la conscience des magistrats et cela ouvre la boîte de pandore à des jugements de valeur, des motivations très alambiquées qui sont au fond très éloignées de l’application «la plus neutre » et la plus objective du droit. C’est-à-dire des présupposés qui sont des jugements de valeur ou des préjugés sur une situation. Nous allons voir la question de la transcription et si j’ai le temps celle de l’adoption de l’enfant du conjoint car dans ces deux champs, c’est là où le malaise des magistrats à l’égard de la GPA est le plus tangible.

I. La transcription

Qu’est-ce que la transcription ?

La transcription consiste en l’acte matériel réalisé par le Service central de l’état civil des Français nés à l’étranger qui se trouve à Nantes, de recopier matériellement les mentions d’un acte de naissance étranger d’un français qui est né à l’étranger. La transcription de l’acte de naissance étranger n’est pas l’établissement du lien de filiation. Le lien de filiation peut se définir « comme les règles d’un ordre juridique qui énoncent qui est parent de tel enfant ». Ce lien de filiation résulte d’un seul et unique document : l’acte de naissance.

L’acte de naissance est comme le rappelle Catherine Labrusse-Riou, un titre juridique. Ce n’est pas uniquement un acte matériel, c’est un titre juridique qui définit notre identité. Il importe peu que cet acte de naissance ait été établi à l’étranger ou en France. Les actes de naissance étrangers sont des titres juridiques. Et lorsqu’ils ont été établis à l’étranger, sont opposables aux autorités françaises dès lors qu’ils sont apostillés et traduits, s’ils sont rédigés en langue étrangère. Toute la difficulté vient en réalité de la confusion entre ce qu’est l’acte de naissance étranger à savoir un titre juridique et la transcription que l’on pourrait qualifier de mesure de publicité mais qui ne donne aucun droit.

Cela donne tellement peu de droits que la transcription de l’acte de naissance étranger n’est pas obligatoire. On peut très bien vivre sans transcription de son acte de naissance, si on est né à l’étranger et qu’on a des parents français ou au moins un parent français puisque la filiation à l’égard d’un seul parent français permet la transmission de la nationalité française.

Quelle est l’utilité de la transcription ?

À quoi sert la transcription ? En droit à rien. C’est un document pratique puisque c’est un acte d’état civil français qui va être établi par l’Officier d’état civil de Nantes qui a recopié les mentions sur l’acte de naissance étranger. C’est pratique parce que par exemple, on n’a pas à demander au comté de San Diego en Californie, un nouvel acte de naissance. Mais ce n’est pas obligatoire.

On peut ainsi obtenir un passeport français avec votre acte de naissance étranger ou un certificat de nationalité française avec l’acte de naissance étranger. Seules conditions : apostille et traduction de l’acte de naissance. C’est donc sur cette confusion que les jurisprudences du Tribunal de Grande Instance de Nantes, de la Cour d’appel de Renne, de la Cour de cassation et de la CEDH vont se structurer.

L’évolution de la jurisprudence depuis 2011

Sans faire toute la généalogie de la jurisprudence, il convient de partir des années 2010 avec les 3 premiers arrêts importants. Ce sont des arrêts rendus le 6 avril 2011 par la Cour de cassation qui posent comme principe : « l’impossibilité de transcrire l’acte de naissance étranger d’un enfant né grâce à la GPA ». Toutefois dans un même temps, la Cour rappelle qu’une telle annulation (de la transcription) ne prive pas les enfants de filiation maternelle et paternelle que le droit Californien leur reconnaît. C’est le dossier du couple Mennesson. Madame Mennesson n’a pas accouché puisqu’elle a eu recours à la GPA. Et pourtant le tribunal considère que l’acte de naissance californien établit la filiation tant dans la branche paternelle que dans la branche maternelle.

Les juges suprêmes, deux ans plus tard, pensant sans doute qu’ils n’avaient pas été assez loin dans le refus de transcrire l’acte de naissance d’un enfant né grâce à la GPA, ont décidé dans deux arrêts du 13 septembre 2013, de confirmer l’interdiction de transcription de l’acte de naissance toujours au motif de la GPA.

La Haute juridiction va jusqu’à considérer que le fait d’avoir recours à une GPA est une fraude à la loi qui justifierait que l’on ne puisse même pas invoquer la Convention internationale des Droits de l’Enfant ou encore la CEDH. On écarte ainsi l’application des deux conventions internationales qui sont les plus protectrices pour l’enfant. C’est hautement critiquable.

La Cour européenne des Droits de l’Homme va rendre deux arrêts au mois de juin 2014 : les arrêts Labassée et Mennesson. Tous les deux condamnent la France en raison de la violation du droit à la vie privée des jumelles Menesson et des enfants Labassée. Il n’y a en revanche pas de condamnation pour la violation du droit à la vie privée des parents. Dans son analyse, La CEDH prend le soin de rappeler d’abord que la France a tout à fait le droit d’interdire la légalisation de la GPA sur son territoire. Elle ne remet nullement en cause le droit pour les États d’interdire la GPA. Puis dans le considérant 99 la Cour souligne qu’ « il résulte toutefois de ce qu’il précède que l’effet de la non-reconnaissance en droit français du lien de filiation entre les enfants ainsi conçus et les parents d’intention ne se limite pas à la situation de ces derniers, il porte aussi sur celle des enfants eux-mêmes dont le droit au respect de la vie privée implique que chacun puisse établir la substance de son identité y compris sa filiation ».

Dans le considérant 100, la CEDH affirme que « cette analyse (celle du considérant 99) prend un relief particulier lorsque, comme en l’espèce, l’un des parents d’intention est également géniteur de l’enfant ».

Le considérant est un a fortiori et là où il y a eu divergence d’interprétation entre la doctrine familialiste qui, globalement à 95 %, est extrêmement conservatrice et l’a toujours été dans les débats notamment sur le PACS ou encore sur l’ouverture du mariage pour les personnes de même sexe. Il n’y a que Laurence Brunet et moi-même qui avons une lecture progressiste de ces arrêts. Pourquoi progressiste ?

Parce que ce qu’il faut avoir en ligne de mire c’est l’intérêt de l’enfant. Quel peut être l’intérêt de l’enfant d’avoir une transcription partielle ? Cela semble donc incohérent avec l’intérêt de l’enfant. Quoi qu’il en soit, à la suite de ces deux arrêts, la Cour de cassation a été amenée à se prononcer à nouveau à travers deux arrêts du 3 juillet 2015 où en raison de la question qui lui était posée, elle s’est limitée à écarter la théorie de la fraude à la loi.

C’est un pas qui est relativement important. Puisqu’on ne peut désormais invoquer la GPA réalisée à l’étranger pour refuser la transcription.

Que doit-on faire pour accepter la transcription ?

On doit regarder si l’acte de naissance est conforme à l’article 47 du Code civil. Dans sa rédaction actuelle, l’article 47 a pour finalité de lutter contre des falsifications de certaines filiations qui auraient eu pour objet d’obtenir la nationalité française par des parents étrangers, etc. Cet article va être utilisé pour les couples qui ont fondé une famille grâce à la GPA.

Celui-ci dispose d’abord que « tout acte de l’état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi ». Le principe c’est que l’acte de l’état civil établi par un officier d’état civil étranger fait foi s’il est rédigé dans les formes locales.

Toutefois, l’article 47 pose une limite : « Sauf si d’autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ».

La Cour de cassation n’a pas fermé, bordé de façon totale la question de la transcription puisque ce petit membre de phrase : « les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité » est celui sur lequel se fonde le parquet de Nantes pour refuser la transcription totale.

En effet, celui-ci considère que la mère d’intention n’a pas accouché en conséquence de quoi les faits déclarés ne correspondraient pas à la réalité. Le problème, outre le fait que le parquet de Nantes depuis plus de 10 ans mène un combat absolument militant contre la transcription des actes de naissance des enfants nés d’une GPA, est que, la réalité mentionnée à l’article 47 ne peut être fondamentalement une réalité juridique. Pourquoi ?

Dans notre ordre juridique, la filiation n’est pas liée à la biologie. On peut ici citer la présomption de paternité pour le mari. Le mari est le père parce que la femme avec laquelle il est marié a accouché. Il n’y a pas de test génétique. De même lorsqu’un homme fait une reconnaissance de paternité, on n’arrive pas avec un test génétique. De même, notre ordre juridique connaît l’établissement d’un lien de filiation par l’adoption. Par exemple, pour un enfant qui serait adopté au Pérou, le jugement péruvien va permettre l’établissement d’un acte de naissance par le service central de l’état civil de Nantes avec la mention de deux parents qui ne sont pas (et jamais) biologiquement les parents. Donc ce n’est pas la réalité biologique qui compte, c’est la réalité juridique.

Le parquet de Nantes a continué à s’opposer à la transcription. C’est la raison pour laquelle, la CEDH est intervenue une nouvelle fois et a condamné le 21 juillet 2016, la France à nouveau dans les affaires Foulon et Bouvet dans les mêmes termes que les affaires précédentes. Puis en janvier 2017, elle a recondamné la France avec l’arrêt Laborie en raison du positionnement des juridictions nationales.

À titre purement informatif, il faut savoir que le Tribunal de Grande Instance de Nantes admet la transcription complète des actes de naissance. Il l’admet à l’égard des parents hétérosexuels, il l’admet à l’égard de deux pères ou d’une femme célibataire qui a fait une GPA ; il l’admet aussi pour les couples de femmes qui ont recours à la PMA par exemple en Belgique ou au Royaume-Uni. Ces deux pays établissent l’acte de naissance au nom des deux femmes dès la naissance de l’enfant, sans passer par l’adoption. Donc il y a une distorsion entre le juge de première instance qui considère que l’intérêt de l’enfant réside dans le fait d’avoir un acte transcrit complètement et la Cour de cassation.

Le 5 juillet 2017, la Cour de cassation a admis la transcription uniquement à l’égard du père supposé être le père biologique ! C’est déjà une curiosité puisqu’en droit français, il faut le répéter ce n’est pas la biologie qui fonde la filiation. C’est l’ensemble des règles de droit qui institue qui est parent et qui n’est pas parent. Donc la Cour de cassation commence par dire, concernant la désignation de la mère dans les actes de naissance, que la réalité au sens de l’article 47 c’est la réalité de l’accouchement.

Comment met-on en cohérence cette interprétation avec le fait qu’il est possible d’adopter l’enfant et d’être une mère sans jamais avoir accouché ?

Il y a un vrai problème quant à la référence qu’a choisi de prendre la Cour de cassation. C’est une vraie difficulté. Par exemple, même si cela est très minoritaire, il y a moins de 400 accouchements sous X par an. Ces femmes accouchent réellement mais ne peuvent jamais figurer sur l’acte de naissance. Une femme qui accouche sous X n’est pas la mère de l’enfant sur le plan juridique.

La Cour de cassation avait la possibilité de fonder son positionnement d’une manière très différente ne serait-ce qu’en invoquant l’intérêt supérieur de l’enfant protégé par la CIDE et le droit à la protection de la vie privée de l’enfant qui comprend l’identité de chacun d’entre eux.

Pour comprendre le positionnement de la Cour de cassation, il faut lire le deuxième attendu qui est d’une importance cruciale dans le raisonnement de la Cour. Elle affirme que : « Attendu que le refus de transcription de la filiation maternelle d’intention » commentaire : déjà il n’y a aucun texte juridique qui parle d’une filiation maternelle d’intention. Soit il y a une filiation maternelle soit il n’y a pas de filiation maternelle. Ensuite elle dit « Lorsque l’enfant est né à l’étranger à l’issue d’une convention de gestation pour autrui, résulte de la loi », la haute juridiction se livre ici à une interprétation minimaliste de l’article 47 du Code civil « Et poursuit un but légitime en ce qu’il tend à la protection de l’enfant et de la mère porteuse et vise à décourager cette pratique, prohibée par les articles 16-7 et 16-9 du Code civil ».

Pour la Cour, ce but légitime tend à la protection de l’enfant et de la mère porteuse et vise à décourager cette pratique, prohibée par les articles 16-7 et 16-9 du Code civil. Donc position de principe : il faut refuser la transcription totale car je dois protéger l’intérêt de l’enfant. Là il va falloir que le juge explique comment la transcription uniquement à l’égard d’un parent en omettant l’une des branches de la filiation protège mieux l’enfant qu’une transcription complète.

Deuxièmement, la cour entend protéger la « mère porteuse ». Mais la femme porteuse n’est pas dans le procès. Elle ne demande pas à être protégée. Elle a renoncé à ses droits parentaux parce que sa loi nationale lui permet. Donc c’est une manière d’infantiliser l’enfant et la gestatrice que d’affirmer qu’on la protège alors qu’elle ne demande rien.

On comprend mieux le dessein de la Cour de cassation quand elle écrit « vise à décourager cette pratique ». Est-ce le rôle de la Cour de cassation de décourager le recours à la GPA ? Elle applique le droit, elle dit le droit, mais elle ne fait pas de la politique. Si on veut décourager le recours à la GPA, c’est au législateur d’intervenir. C’est éventuellement à lui de légiférer pour considérer que le délit de provocation à l’abandon d’enfant est un crime et non un délit auquel cas, on pourrait poursuivre devant les juridictions pénales. Mais ce n’est pas le rôle de la Cour de cassation de vouloir décourager le recours à la GPA, cela n’est en rien une interprétation du droit. Donc, ces exemples, du moins ce dernier exemple, montrent vraiment que la GPA fait perdre aux magistrats leurs repères habituels. Ce n’est cependant pas la fin de l’histoire.

La Cour a senti que sa position était fragile. Elle a donc, le 5 octobre 2018, adressé une demande d’avis à la CEDH dans les termes suivants : « en refusant de transcrire sur les registres de l’état civil l’acte de naissance d’un enfant né à l’étranger à l’issue d’une gestation pour autrui en ce qu’il désigne comme étant sa “mère légale” la “mère d’intention”, alors que la transcription de l’acte a été admise en tant qu’il désigne le “père d’intention”, père biologique de l’enfant, un État-partie excède-t-il la marge d’appréciation dont il dispose au regard de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ? À cet égard, y a-t-il lieu de distinguer selon que l’enfant est conçu ou non avec les gamètes de la “mère d’intention” ».

On ne peut qu’être surpris de cette formulation. Le lien de filiation ne peut être fondé sur le fait qu’il y ait des gamètes ou pas de gamètes. Cela démontre une fois de plus, une perte de repère y compris de la Cour de cassation. En droit, l’acte de naissance de l’enfant établit la filiation. Ce n’est pas discutable. Donc bon, l’acte de naissance, il a été établi à l’étranger, il est valablement établi selon les formes de l’État étranger ; il n’y a rien à redire dans l’acte de naissance étranger. La suite au prochain numéro. La CEDH devrait statuer début janvier 2019.

En attendant, on a pour la Cour de cassation, une transcription partielle et pour le Tribunal de Grande Instance de Nantes, une transcription complète. Cela fait 18 ans que cette petite histoire dure. Alors même que la jurisprudence de la CEDH rappelle qu’on ne doit pas opposer à l’enfant son mode de conception. On ne doit pas discriminer à raison de son mode de conception. Il faut ici se référer aux arrêts de la CEDH dans les affaires Mazurek et Wagner.

II. Adoption et GPA

La loi du 17 mai 2013 a ouvert la possibilité de faire ce que l’on appelle des adoptions intrafamiliales. C’est-à-dire que si un couple de femmes a eu recours à une PMA à l’étranger, l’une d’elles va tomber enceinte et accoucher. Sa conjointe pourra ensuite adopter l’enfant. Voyons ce qu’il en est pour l’adoption de l’enfant du conjoint dans les couples d’hommes qui ont pu avoir l’enfant grâce à l’aide d’une femme porteuse.

Dans ce contexte, selon les États étrangers, il y a 3 possibilités pour l’établissement de l’acte de naissance de l’enfant à l’étranger :

  • soit on a l’un des pères et la femme qui a porté l’enfant,
  • soit on a un père seul ;
  • soit on a les deux pères.

Lorsque les deux pères sont sur l’acte de naissance, l’adoption n’est pas nécessaire puisque la filiation est établie par l’acte de naissance.

Lorsque sur l’acte de naissance de l’enfant, on est en présence d’un père et de la mère porteuse alors là, seule l’adoption simple est possible. On ne peut pas retirer la mère en droit français. On peut toutefois ajouter un lien de filiation. C’est le principe de l’adoption simple.

Et lorsque l’acte de naissance fait la mention d’un seul père. Le conjoint du père peut adopter l’enfant de son conjoint dans le cadre d’une adoption plénière.

Les Tribunaux de Grande Instance ont plus ou moins accepté de prononcer ces adoptions simples. Mais la Cour d’appel de Dijon a refusé de prononcer cette adoption simple dans un arrêt du 24 mars 2016. L’arrêt est vraiment très intéressant. Récapitulons. C’est donc un père qui est sur l’acte de naissance avec la femme porteuse. Le conjoint du père souhaite adopter dans le cadre d’une adoption simple l’enfant. Pour que ce soit possible, il faut que le père ait donné son consentement devant un notaire et que la femme porteuse ait aussi donné son consentement devant un notaire, que le père soit aussi marié avec le candidat à l’adoption, qu’il n’y ait pas de rétractation et que ce soit dans l’intérêt de l’enfant. La cour constate que les conditions légales sont réunies. Néanmoins, la Cour d’appel de Dijon est tellement gênée parce qu’elle est en présence d’une GPA qu’elle va vérifier la qualité du consentement.

La cour d’appel relève ainsi que la mère porteuse «  a toujours exprimé avant comme après l’accouchement sans aucune équivoque qu’elle n’avait entendu intervenir dans le processus de la naissance de l’enfant que comme mère pour autrui limitant sa contribution au seul aspect biologique de la conception et de la gestation d’un enfant à naître. » La Cour considère que le consentement de la gestatrice est clair.

Et là, elle interprète « elle a donc consenti à être mère non pas pour elle-même mais uniquement pour permettre à Julien de devenir père de cet enfant ». Puis elle conclut dans un paragraphe absolument incompréhensible même grammaticalement : « le consentement initial de la mère porteuse dépourvu de toute mention maternelle subjective ou psychique prive de portée juridique son consentement ultérieur à l’adoption de l’enfant dont elle a accouché, un tel consentement ne pouvant s’entendre sauf à représenter un détournement de la procédure d’adoption et sachant que rien ne peut altérer le fait d’une maternité biologique que comme celui d’une mère a renoncé juridiquement et symboliquement à sa maternité dans toutes ses composantes et en particulier dans sa dimension subjective ou psychique ».

C’est un salmigondis sans aucun fondement juridique qui plus est, outrepasse le fait que les conditions légales soient réunies. La seule question qui pouvait se poser était la question de l’intérêt de l’enfant et dans ce dossier l’intérêt de l’enfant ne faisait pas de doute. L’affaire est remontée jusqu’à la Cour de cassation qui dans un des arrêts du 5 juillet 2017, a infirmé l’arrêt d’appel et validé le principe de l’adoption simple y compris pour un couple d’hommes qui a eu recours à la GPA.

Sur l’adoption plénière de l’enfant du conjoint, on a ici un seul père sur l’acte de naissance étranger. La Cour d’appel de Paris vient de rendre deux arrêts du 18 septembre 2018 qui vont être publiés dans la revue Droit de la famille et AJfamille de novembre 2018. La cour d’appel de Paris reconnaît que les conditions légales de l’adoption plénière sont réunies : un père sur l’acte de naissance, un mariage, un consentement, la non-rétractation. Ensuite la Cour va utiliser la notion d’intérêt de l’enfant pour vérifier les modalités d’intervention de la gestatrice dont elle a eu connaissance parce qu’elle a demandé la production du jugement canadien qui a permis l’établissement de l’acte de naissance au nom du père seul. Ces documents montrent que la gestatrice a accepté de devenir mère dans le cadre d’une GPA, qu’elle a accepté que seul le lien de filiation soit établi à l’égard du père. Donc la cour considère que ces documents permettent de vérifier l’intérêt de l’enfant.

Mais en même temps, elle déplace l’analyse, c’est-à-dire qu’elle continue à vouloir vérifier le consentement de la gestatrice. Or cela est critiquable puisque la gestatrice n’est pas la mère au sens juridique puisqu’elle n’est pas sur l’acte de naissance. Cette femme en droit n’existe pas et il n’y a aucun consentement à vérifier. Elle aurait simplement dû faire comme pour n’importe quel dossier : regarder l’acte de naissance avec un seul parent et vérifier les autres conditions légales. C’est ce que font les juges pour les couples de femmes qui ont recours à la PMA. À cet égard, ce sont deux arrêts rendus par la Cour d’appel de Versailles du 15 ou du 18 février 2018 qui vont nous intéresser. Ils sont très importants puisque ce sont des couples de femmes qui ont fait des PMA à l’étranger et l’acte de naissance est établi à l’égard d’une seule mère.

Le Tribunal de Grande Instance de Versailles avait refusé l’adoption de l’enfant par le conjoint au motif que même si sur l’acte de naissance qui est le titre juridique sur lequel se fonde la demande d’adoption, le tribunal avait par un motif hypothétique envisagé la possibilité que le géniteur puisse éventuellement connaître l’enfant et de ce fait devenir père. La Cour d’appel de Versailles n’a pas suivi ce raisonnement. Elle considère que le tribunal ne doit pas raisonner d’une manière hypothétique. Les femmes sont mariées, les conditions légales sont réunies, on doit donc prononcer l’adoption plénière par le conjoint. On n’a pas à vérifier comment l’enfant a été conçu. On n’a pas à demander aux deux femmes, pouvez-vous nous fournir le contrat que vous avez signé avec le centre belge ou espagnol pour la PMA.

Mais pour le couple d’hommes, la Cour d’appel de Paris a vérifié de façon indirecte le consentement de la gestatrice sous couvert de l’intérêt de l’enfant. Cela ouvre une boîte de pandore parce qu’il existe des pays où il n’y a pas de contrat, pas de jugement, c’est par l’effet de la loi que la gestatrice n’est pas légalement la mère. Qu’est-ce qu’on va leur fournir ? Il va falloir leur fournir le contrat de gestation.

[1] Le caractère oral de la conférence a été conservé.